Juin 2024
Stephanie Pantaleo, CPA, MTax, CIMᴹᴰ
Vice-présidente, gestion patrimoniale
Envisagez-vous de transformer votre entreprise ou votre activité professionnelle en société? Possédez-vous un important portefeuille de placements et êtes-vous curieux de connaître les incidences fiscales de l’utilisation d’une structure d’entreprise pour abriter votre portefeuille?
De nombreux Canadiens choisissent de constituer en société leurs activités entrepreneuriales ou leurs portefeuilles/propriétés d’investissement, ce que l’on appelle une société de portefeuille, ou «HoldCo». Bien qu’il existe de nombreuses raisons non fiscales de se constituer en société, l’une des principales raisons de ce choix consiste à tirer parti du régime de l’impôt sur les sociétés.
Pour déterminer si la constitution d’une société est la bonne option pour vous, il est important d’évaluer d’abord si une telle structure répondra à vos besoins personnels de trésorerie (ou les compliquera), et si cela l’emporte sur les avantages fiscaux potentiels que vous pourriez en retirer. Étant donné que cette décision a une incidence sur votre vie quotidienne, la constitution en société de votre pratique entrepreneuriale ou de votre portefeuille d’investissement doit également être considérée comme un engagement à long terme, plutôt que comme une solution à court terme.
Le principe d’intégration
D’une manière générale, le système fiscal canadien est structuré selon le principe de l’intégration. Le concept sous-jacent est que le revenu gagné par une société canadienne, puis versé à une personne physique sous forme de dividende, doit correspondre au même montant d’impôt que si le revenu avait été gagné directement par la personne physique.
Par exemple, si une personne physique gagne 100$ de revenus d’entreprise dans une société dont le taux d’imposition est de 12,2%, les revenus d’entreprise après impôt pouvant être distribués sous forme de dividendes s’élèvent à un peu moins de 88$. Un particulier assujetti à l’impôt au taux marginal le plus élevé et résidant en Ontario paiera 42$ d’impôt sur les 88$ de dividendes, ce qui lui laissera environ 46$ de fonds personnels après impôt. Si le particulier avait gagné directement les 100$ de revenu d’entreprise, il paierait un impôt personnel de 53,5% sur les 100$, ce qui lui laisserait aussi environ 46$ de revenus personnels après impôt (1).
Incorporation du revenu d’entreprise
Si l’intégration vise à garantir qu’une personne physique soit dans l’ensemble indifférente au fait de gagner un revenu d’entreprise directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une société, y a-t-il un avantage fiscal à la constitution d’une société?
La réponse: cela dépend des circonstances.
À titre d’exemple, une société résidant en Ontario et percevant un revenu d’entreprise admissible à la déduction accordée aux petites entreprises est assujettie à un taux de 12,2%, c’est-à-dire le taux applicable aux petites entreprises. Le revenu d’entreprise gagné par une société résidant en Ontario qui n’est pas soumise au taux applicable aux petites entreprises est imposé au taux de 26,5%, c’est-à-dire au taux général. Une personne résidant en Ontario et gagnant un revenu élevé est soumise au taux marginal le plus haut, soit 53,5%. Si l’on compare ce taux d’imposition des particuliers aux taux d’imposition des entreprises mentionnés ci-dessus, on constate une différence de 27,0% et de 42,3% du montant de l’impôt. Qu’une société paie des impôts sur ses revenus d’entreprise au taux applicable aux petites entreprises ou au taux général, il est évident qu’elle dispose de plus d’argent après impôt qu’une personne physique qui gagne directement ces revenus d’entreprise.
Mais il ne faut pas s’arrêter là. L’«avantage» fiscal dépend de l’utilisation que la société fait de ces revenus après impôt.
Si les bénéfices après impôt d’une société générant des revenus d’entreprise sont immédiatement versés à l’actionnaire individuel sous la forme de dividendes, il n’y a pas d’avantage fiscal à incorporer ces revenus. Le particulier aurait pu gagner le revenu personnellement et payer son impôt personnel à la place, comme illustré dans la section précédente. En fait, le particulier serait probablement moins bien loti s’il avait constitué une société du point de vue de sa trésorerie générale, une fois que les dépenses de la société (par exemple, les frais juridiques et comptables) sont prises en compte.
Si ces sommes après impôt sont conservées dans la société et ne sont pas versées à la personne physique, cette dernière n’aura toutefois pas à payer l’impôt sur le revenu des personnes physiques, ce qui met en lumière le report de l’impôt sur le revenu des personnes physiques que permet la constitution d’une société. Bien que le présent article traite de l’incorporation des revenus d’entreprise, les sommes après impôt conservées dans la société peuvent être réinvesties et donner lieu à des revenus d’investissement. Les règles de l’impôt sur les sociétés concernant les revenus d’investissement sont plus complexes et peuvent limiter la possibilité de bénéficier du taux d’imposition des petites entreprises selon le montant des revenus d’investissement perçus par la société.
Quoi qu’il en soit, l’impôt sur le revenu des personnes physiques sera payé, mais seulement une fois que les fonds seront retirés de la société. En d’autres termes, plus la société «conserve» longtemps l’argent après impôt sans le verser à l’individu, plus l’individu bénéficie de ce report personnel, maximisant ainsi l’avantage fiscal qu’offre la constitution d’une société.
Planification et exécution
Quel genre de conseil serait de dire à un individu qu’il devrait bloquer ses revenus dans une société et ne pas en retirer un seul cent? Nous avons tous besoin d’argent pour vivre!
Une bonne planification est nécessaire pour déterminer si la voie de la constitution d’une société est la bonne. Quantifier vos revenus escomptés par rapport à vos dépenses quotidiennes – en d’autres termes, préparer un budget – est un point de départ raisonnable pour déterminer l’épargne annuelle que vous conserveriez dans la société, déduction faite des dépenses de la société.
Même dans ce cas, il existe des instruments d’épargne personnelle à prendre en considération: le compte épargne libre d’impôt (CELI), le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et, désormais, le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP). Ceux-ci peuvent également servir d’instruments d’épargne personnelle. En outre, il est essentiel de tenir compte de l’utilisation prévue de cette épargne et de l’horizon temporel envisagé pour son utilisation. Cela vous aidera à déterminer s’il vaut la peine de vous engager dans une structure d’entreprise ou non, un exercice qui peut être mené à bien dans le cadre d’un plan financier.
À première vue, il est tentant d’accéder au régime de l’impôt sur les sociétés plutôt que de payer l’impôt aux taux personnels. Toutefois, la décision de constituer une société peut se traduire par un simple report de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, ce qui n’est pas tout à fait une économie d’impôt. Plus longtemps les fonds sont conservés dans la société, plus le particulier bénéficiera de ce report. Les impôts personnels seront payés, il s’agit simplement de savoir quand. Enfin, n’oubliez pas qu’il existe également des raisons non fiscales de constituer votre entreprise en société. La fiscalité n’est qu’une des nombreuses considérations à prendre en compte.
Maintenant que nous avons abordé la question de l’incorporation des revenus d’entreprise, qu’en est-il pour l’incorporation des revenus d’investissement? C’est une histoire pour une autre fois…
L’incorporation des revenus d’investissement fera l’objet d’une prochaine publication du bulletin Points de vue.
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