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L’incorporation des revenus d'investissement vous conviendrait-elle? Partie 2

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Septembre 2024

Stephanie Pantaleo, CPA, MTax, CIMᴹᴰ
Vice-présidente, gestion patrimoniale

 

Notre publication de juin traitait des considérations d’ordre fiscal liées à l’incorporation d’un revenu d’entreprise au Canada. Pour résumer, les revenus d’entreprise d’une société sont soumis à un taux d’imposition plus faible que le taux d’imposition imposé à un particulier qui gagne directement les revenus d’entreprise. Il en résulte que la société dispose de plus d’argent après impôt que si les revenus étaient gagnés personnellement. Plus longtemps les fonds après impôt sont détenus par la société avant d’être distribués aux actionnaires individuels sous la forme d’un dividende imposable, plus l’avantage fiscal résultant du report de l’impôt des particuliers est important.

Par contre, si l’argent après impôt est détenu par la société, il est probable que cet argent sera utilisé – soit réinvesti dans l’entreprise (pour acheter de nouveaux équipements ou financer un nouvel effort de marketing, par exemple), soit utilisé pour gagner des revenus d’investissement. Les revenus d’investissement introduisent un régime fiscal entièrement nouveau, distinct de celui des impôts prélevés sur les revenus d’entreprise.

Incorporation des revenus d’investissement

D’abord, spécifions que les revenus d’investissement comprennent les dividendes [1], les loyers, les intérêts, les revenus étrangers non liés à une activité d’entreprise, les redevances et les gains de capital, et sont souvent appelés «revenus passifs».

L’imposition des revenus d’investissement perçus par les sociétés canadiennes établies au Canada [2] est très complexe et la législation dans ce domaine continue à évoluer.

Alors, comment sont imposés les revenus d’investissement perçus dans une société?

Rappelons le principe d’intégration. Le concept sous-jacent de l’intégration est que le revenu gagné par une société canadienne et payé ensuite à une personne physique sous forme de dividende imposable doit correspondre au même montant d’impôt que si le revenu avait été gagné directement par le particulier. Dans notre publication de juin, nous avons illustré comment la facture initiale de l’impôt sur les sociétés sur 100$ de revenu d’entreprise, plus les impôts personnels prélevés sur la distribution des bénéfices après impôt de la société, équivaut approximativement au montant des impôts personnels qui auraient été encourus si le particulier avait gagné directement les 100$ de revenu d’entreprise.

Si ce principe est valable pour les revenus d’entreprise, l’intégration ne s’applique pas aux revenus d’investissement. Le total de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques appliqué aux bénéfices de la société après impôt n’équivaut pas à l’impôt sur le revenu des personnes physiques si les revenus d’investissement avaient été gagnés directement par le particulier. En outre, le taux d’imposition des sociétés sur les revenus d’investissement est beaucoup plus élevé que le taux d’imposition des revenus d’entreprise, ce qui minimise l’occasion potentielle de report de l’impôt sur le revenu des personnes physiques que nous avons observée pour les revenus d’entreprise perçus par une société.

Par exemple, une société résidant en Ontario qui perçoit 100$ de revenus d’intérêts est soumise à un taux d’imposition de 50,2% [3], générant des impôts d’environ 50$ et des bénéfices après impôts d’un montant à peu près équivalent. Une partie des 50$ d’impôt sur les sociétés est remboursable à la société – nous y reviendrons dans un instant. Si le particulier (personne aux revenus situés dans la tranche la plus élevée et résidant en Ontario) gagnait personnellement les 100$ de revenus d’intérêts, il serait soumis à un taux d’imposition de 53,5%, ce qui lui laisserait environ 46$ après impôt.

À première vue, il semble que le particulier ait intérêt à gagner les 100$ de revenus d’intérêts dans la société plutôt que de les gagner personnellement, étant donné que la société dispose de plus de bénéfices après impôt (50$ contre 46$). Cette différence de 4$ montre que la perception de revenus d’investissement dans une société permet tout de même un certain report de l’impôt des personnes physiques, mais pas autant que dans le cas des revenus d’entreprise [4]. Toutefois, il serait incorrect d’arrêter l’analyse ici, car le principe d’intégration exige que nous examinions l’impôt total sur les sociétés et sur les personnes physiques prélevé sur ces 100$ de revenu une fois que les bénéfices de la société sont distribués aux actionnaires.

Sur les 50$ d’impôt initial payé par la société, 31$ lui sont remboursés lorsqu’elle procède à une distribution imposable à son actionnaire, ce qui ramène le montant total de l’impôt sur les sociétés de 50$ à 19$ (soit l’impôt initial de 50$ moins le remboursement d’impôt de 31$). Lorsque la société distribue les 50$ de bénéfices après impôt, plus les 31$ qu’elle reçoit en remboursement, soit 81$ au total, le particulier paie environ 39$ d’impôt sur le revenu des personnes physiques, ce qui lui laisse 42$ de bénéfices après impôt.

Rappelons que si le particulier gagnait personnellement les 100$ de revenus d’intérêts, il disposerait d’environ 46$ de fonds personnels après impôt, contre 42$ si les revenus d’intérêts provenaient de la société. Les revenus d’intérêts générés par la société sont donc plus coûteux de 4$.

En résumé:

  1. L’incorporation des revenus d’investissement a un coût fiscal une fois que les bénéfices après impôt de l’entreprise sont distribués aux actionnaires – une faille intentionnelle dans le principe d’intégration.
  2. Bien que le taux d’imposition des revenus d’investissement perçus par une société soit plus élevé que le taux d’imposition des revenus d’entreprise, il peut malgré tout y avoir un certain report de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Cela dépend du taux d’imposition personnel de l’individu. L’exemple ci-dessus quantifie le report existant pour un particulier soumis au taux marginal ontarien le plus élevé. Par contre, si le taux d’imposition personnel d’un particulier est inférieur au taux d’imposition des sociétés sur les revenus d’investissement, aucun report d’impôt personnel n’est possible.

Ceci étant dit, si l’utilisation d’une société offre une certaine occasion de report d’impôt personnel, plus la société conserve longtemps les fonds après impôt au sein de la société, plus le particulier bénéficie du report d’impôt personnel.

Autres considérations relatives à la constitution d’une société

Bien que la liste ne soit pas exhaustive, vous trouverez ci-dessous quelques points supplémentaires à prendre en considération lorsque vous gagnez des revenus dans le cadre d’une société.

  • La constitution d’une société entraîne des frais annuels (juridiques, comptables et fiscaux) qu’il convient de prendre en considération.
  • Une société qui perçoit des revenus d’investissement peut également percevoir des revenus d’entreprise – les différents régimes d’imposition des sociétés pour les revenus d’entreprise et les revenus d’investissement s’appliqueront. Toutefois, si une société/un groupe de sociétés gagne «trop» de revenus d’investissement, les revenus d’entreprise gagnés par cette société/ce groupe de sociétés peuvent ne pas être soumis au taux inférieur de l’impôt sur les sociétés, mais plutôt au taux général de l’impôt sur les sociétés [5].
  • L’utilisation d’une société peut permettre certaines occasions de fractionnement du revenu entre les actionnaires adultes, ce qui pourrait se traduire par une économie d’impôt globale. Toutefois, le fractionnement des revenus peut être limité en raison des modifications apportées à la législation fiscale à compter de 2018, appelées règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné (IRF).
  • L’utilisation d’une société canadienne pour détenir des actifs situés aux États-Unis peut limiter l’exposition potentielle d’un résident canadien à l’impôt américain sur les successions.
  • En général, l’existence d’une société peut permettre aux actionnaires de profiter d’un gel successoral. Cependant, l’utilisation d’une société nécessitera un bon plan successoral pour éviter la double imposition qui peut survenir au moment du décès.
  • La structure d’une société n’est pas un bouclier contre les modifications futures de la législation fiscale. Bien que la constitution d’une société puisse être perçue comme un avantage aujourd’hui, il se peut que cet avantage ne soit plus disponible (ou qu’il soit modifié) à l’avenir en cas de changement de la législation fiscale.

Quelques mots pour conclure

Il est évident que l’utilisation d’une société ajoute un degré de complexité supplémentaire à vos affaires et que le système fiscal lui-même est loin d’être simple.

Bien qu’il puisse être utile de quantifier la possibilité de reporter et d’économiser des impôts à court terme, avant de s’engager dans une structure de société, il faut également peser les considérations fiscales et non fiscales liées à la structure de votre entreprise, à vos investissements ainsi qu’à vos besoins de trésorerie. Il faudra un bon plan (avec un bon conseiller) pour déterminer si une telle structure a du sens pour vous aujourd’hui et à l’avenir.

N’oubliez pas que la question n’est pas de savoir si des impôts seront payés, mais quand ils le seront.

 

[1] Bien que l’investissement dans des actions puisse donner lieu à des revenus de dividendes, les revenus de dividendes canadiens sont généralement exonérés de l’impôt sur le revenu standard (appelé impôt de la partie I). En revanche, un impôt remboursable (appelé impôt de la partie IV) est prélevé sur les dividendes de portefeuille canadiens et peut être appliqué aux dividendes intersociétés versés entre entités d’un même groupe de sociétés. Cette publication se concentre sur l’imposition d’autres formes de revenus d’investissement, à l’exclusion des revenus de dividendes de source canadienne.[2] Le présent document s’applique aux sociétés privées sous contrôle canadien («SPCC»), terme défini par le droit fiscal canadien.[3] En revanche, le revenu d’entreprise gagné par une société résidente de l’Ontario est soumis à un taux d’imposition de 12,2% (taux pour les petites entreprises) et/ou de 26,5% (taux général).

[4] Voir la première partie de cet article.

[5] Cette règle est souvent appelée règle des «revenus passifs». Pour chaque dollar de revenu d’investissement (sous réserve de divers ajustements) gagné au-delà de 50 000$, la société perd 5$ du plafond des petites entreprises qui est disponible pour la société et/ou le groupe de sociétés. En règle générale, le plafond des petites entreprises représente le revenu disponible pour le taux des petites entreprises. Tout revenu d’entreprise non soumis au taux des petites entreprises est soumis au taux général (plus élevé) de l’impôt sur les sociétés.

 

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